Comment définir le goodwill de votre entreprise ? Quelle est la valeur réelle de votre entreprise ?
Vous êtes en situation de cession de votre entreprise ? Vous cherchez juste à faire une valorisation à un moment T ? Ou vous désirez installer un baromètre permettant d’analyser de manière régulière la valeur de votre entreprise ?
Sachez que la valorisation d’une entreprise est bien plus complexe que la vente d’un appartement ou d’une maison. Je vais essayer dans cet article de vous donner tous les éléments à intégrer à votre démarche de valorisation.
A. L’évaluation comptable de l’entreprise
Il vous faut tout d’abord déterminer la méthode d’évaluation comptable la plus appropriée. Il en existe plusieurs dont les 4 principales présentées sommairement ci-dessous.
Votre expert-comptable sera un véritable soutien pour vous aider dans cette démarche complexe selon le secteur d’activité, l’univers concurrentiel, la situation et le statut de l’entreprise, l’offre et la demande du secteur.
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L’évaluation par comparaison
Cette première méthode consiste à valoriser l’entreprise en observant les prix de cession pratiqués sur les ventes d’entreprises du même secteur d’activité et situées aux alentours. Cela permet d’avoir une idée du prix auquel sont cédées les affaires similaires. On utilise plutôt la méthode comparative dans le cadre des cessions de fonds artisanaux et de certains commerces, comme les boucheries, les salons de coiffures, les restaurants, les boutiques de prêt-à-porter… Il existe généralement des statistiques d’évaluation par corps de métier, la valeur étant obtenue en appliquant un coefficient sur le chiffre d’affaires.
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L’évaluation par l’actif net corrigé selon l’approche patrimoniale
Cette méthode consiste à évaluer la valeur patrimoniale d′une entreprise. On évalue la valeur de ses actifs, on y retranche les dettes, puis on effectue des retraitements (intégration des plus-values latentes et élimination des éléments sans valeur) pour obtenir l’actif net comptable corrigé.
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L’évaluation par un multiple de résultat en fonction de sa rentabilité
On considère qu′une entreprise vaut par sa rentabilité, sur la base d′un multiple de ses résultats (résultat net, résultat d′exploitation, marge brute d′autofinancement ou autre). Cette approche a le mérite de la simplicité mais peut être faussée par le jeu des charges et profits exceptionnels. D′autres préfèrent se focaliser sur le résultat brut d′exploitation ou sur le résultat courant (résultat d′exploitation + résultat financier). D′autres, encore, sur la marge brute d′autofinancement. Voire sur les fameux critères anglo-saxons que sont l′EBIT (c’est-à-dire résultat net avant frais financiers, éléments exceptionnels et impôt sur les sociétés). Ou encore l′EBITDA (le même que le précédent auquel on rajoute les amortissements).
De même, on se réfère, suivant les cas, aux performances du dernier exercice, aux prévisions de l′année en cours, ou encore à la moyenne des résultats de plusieurs exercices. Quant au coefficient multiplicateur, il dépend en premier lieu du secteur d′activité. Plus ce dernier est considéré comme risqué, plus le multiple est faible. Et surtout, une société est d′autant mieux valorisée qu′elle possède un fort potentiel de croissance.
La méthode des multiples consiste à appliquer un coefficient multiplicateur au chiffre d’affaires ou au résultat sur la base de barèmes publiés par l’administration fiscale ayant comme références les transactions récentes.
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L’évaluation par les flux de trésorerie prévisionnels selon ses perspectives d’avenir
Dans cette approche, très esprit start-up, on considère plutôt que la valeur de l’entreprise est égale à la somme des flux de trésorerie (cash-flows) prévisionnels susceptibles d’être dégagés au cours des cinq à dix prochaines années (méthode DCF). Il s’agit ici d’établir un business plan puis de calculer les flux de trésorerie que va générer l’activité sur plusieurs années (entre 5 et 10 ans généralement).
B. Déterminer le goodwill de votre entreprise
Cependant, la valorisation d’une entreprise ne passe pas seulement par le bilan comptable. Au-delà de la valorisation des actifs inscrits au bilan, il existe d’autres éléments immatériels permettant d’estimer une entreprise.
En effet, le capital immatériel d’une entreprise ou goodwill est toute sa richesse cachée qui permettra de générer de la rentabilité future et qu’on ne lit pas dans les comptes. Le terme « goodwill » peut être traduit en français comme « survaleur » ou « écart d’acquisition ». C’est l’écart entre le prix payé pour acquérir une société et sa valeur comptable. Dans le cas contraire, on parle de badwill (une valeur attendue inférieure à la valeur patrimoniale).
La capacité à innover, la valorisation d’un savoir-faire, de rendements futurs générés par une stratégie affûtée, des compétences clés, des salariés motivés et engagés, des clients particulièrement fidèles… sont autant d’éléments qui permettent à une entreprise de « sur-performer » justifiant ainsi un écart d’acquisition, vis-à-vis des entreprises appartenant au même secteur d’activité et à taille comparable.
Le capital immatériel offre donc un nouveau tableau de bord stratégique qui permet de surveiller des points clés de la santé de l’entreprise : solidité des fournisseurs, adéquation des compétences et des besoins…
Il est structuré autour de 10 actifs immatériels principaux :
C. Zoom sur le goodwill marque
Inutile d’être dans le top 100 des entreprises pour valoriser votre marque. Dans l’article « Devez-vous positionner votre entreprise en marque ? » j’expliquais qu’une TPE peut être une marque forte et survaloriser l’entreprise. Son rôle est de permettre au consommateur de se repérer, en suscitant de la confiance, voire de l’attachement et de l’empathie. Elle est un contrat moral. Un consommateur conquis vaut de l’or.
La marque peut effectivement être considérée par les évaluateurs financiers et les auditeurs comme le premier actif en valeur de l’entreprise. L’actif immatériel représente déjà 18% en moyenne de leur valeur, mais peut atteindre des sommets. Comme c’est le cas pour Nike (84%) et Prada (77%). Ou encore Chanel (66%), première marque française qui contribue à la valeur de son entreprise.
La valorisation doit également être mise en relation avec les avantages que procure une marque forte pour l’entreprise. Par la fidélité de ses clients, une marque forte anticipe une meilleure visibilité des revenus futurs. Par son attractivité, une marque forte autorise un prix de vente supérieur aux autres (price premium). En apportant une stabilité des ventes, la marque permet d’emprunter plus, à des taux plus intéressants. Ce faisant, une marque forte réduit le coût du crédit pour l’entreprise.
Il existe plusieurs types de marques, qui ne s’analysent ni ne se traitent de la même façon. Chaque marque revêt un caractère distinct selon le type auquel elle appartient. Une marque locale ne s’analyse pas comme une marque internationale. Une marque-enseigne verticale (Yves Rocher, Etam, Zara, André) n’est pas une marque Internet. Une marque-produit n’est pas une marque-entreprise. A titre d’exemple, Danone est à la fois l’une et l’autre, Danette est exclusivement une marque-produit. Apple est exclusivement une marque-entreprise, iPhone une marque-produit.
Leur potentiel, et par conséquent les revenus futurs, ne sont pas les mêmes. Une marque n’a de valeur que dans le respect de son contrat implicite avec le consommateur. Les valeurs corporate traduisent les dimensions identitaires et éthiques de l’entreprise.
Reste à comprendre le contrat de chaque marque.
Il existe 9 familles de valeurs qui se déclinent différemment selon les 12 secteurs étudiés. L’alimentation, par exemple, valorise la qualité, le goût, la tradition, le plaisir et le partage.
Comment estimer la valeur de votre marque ?
Le succès économique d’une marque est appelé « share of wallet ». Il repose sur des indicateurs comme sa part de marché, le Price Premium, la préférence de marque.
Le terme « share of soul » représente quand à lui la valeur émotionnelle de la marque. Ses indicateurs sont la notoriété, la relation client, le potentiel cross-selling, l’expérience de marque, l’identification et la singularité (l’unicité).
Seule la mesure marketing est capable de révéler la qualité de ces dimensions. Il est essentiel de mesurer l’évolution des comportements et attitudes des consommateurs, en comparaison avec les marques concurrentes. Comme le souligne Jean-Noël Kapferer, en marketing, « la compréhension progresse avec l’action« .
Le travail de l’évaluateur doit donc se reposer sur une analyse intrinsèque de la valeur marketing de la marque. Il cherche ainsi à comprendre le rôle de celle-ci sur chaque marché, son poids dans la formation du profit économique (brand value added), sa durée de vie compte tenu de son marché et de sa situation dans son cycle de vie (la durée d’actualisation choisie). Entrer dans un processus d’évaluation de la marque, au-delà de l’outil, est un esprit de management.
Il y a autant de risques que de marques elles-mêmes, tant elles sont des constructions complexes et fragiles, en reconstruction permanente.
Alors que les publicitaires s’évertuent toujours à parler de signes, les consommateurs parlent d’usages et engagement. Il semblerait même que certains retrouvent un certain plaisir à consommer – utilement – comme ce fut le cas de leurs parents et grands-parents dans la France de l’après-guerre. Retour vers le modernisme ?