Skip to main content

Réponse à l’article « A quoi sert une marque en 2017 ? » de Grégory Pouy

Vouloir polémiquer avec Grégory Pouy n’est pas chose aisée. Tout d’abord, parce que j’apprécie son blog que je suis depuis bien longtemps. Je le recommande d’ailleurs systématiquement à mes étudiants. La seconde raison est liée à la première, c’est un passionné, possédant une forte expérience annonceur et agence. Ce qu’il dit est le fruit d’un certain nombre d’expériences et de savoirs. Pourtant, je suis en désaccord avec le constat tiré dans son article. Je vais donc essayer de contrer chaque argument de Grégory. Après tout le web est aussi fait pour dialoguer et partager des points de vue différents.

⦁ Premier argument de Grégory : « les marques sont banalisées », « il existe un rejet naissant des marques »

Oui, mais ce phénomène n’est pas nouveau ? En effet, le bouquin de Noémie Klein « No Logo » a déjà 17 ans. Les mouvements anti-marques existent depuis les années 70, inspirés par Jacques Ellul, Ivan Illich et le Club de Rome et son manifeste « Halte à la croissance » paru en 1972. Cela fait des décennies que les lessives, les assurances, les parfums ou les voitures ne font plus leur différence par leur spécificité produit ou par leur innovation. Nous naviguons entre promesse, bénéfices et reasons way sans saveur, fruit de marqueteurs ou de publicitaires, et, faute d’innovation, sans réelle différence autre que publicitaire. Le royaume de l’USP n’est pas mort ! Et étonnamment, malgré ces décennies où on nous annonce la fin des marques, ces dernières n’ont jamais été aussi dynamiques et rentables (classement Interbrand).

La marque est plus que jamais l’élément intangible de la valeur entreprise. C’est la valeur marque qui génère la plus-value de l’entreprise. Par exemple, cet automne 2017, la valeur marque d’Apple (160 milliards) représente plus du quart de la valorisation boursière de la marque estimée à 600 milliards. Et il en va de même pour les PME. La prise de participation minoritaire de Legrand dans Netatmo, estimée à 150 fois le bénéfice opérationnel, représente « un investissement dans une marque forte qui va donner un nouveau souffle à Legrand dans son approche objets connectés ».

⦁ Deuxième argument de Grégory : on assiste à l’émergence de sites et de produits « sans marque »

Les deux exemples cités n’arrivent pas à me convaincre : Muji au Japon ou Brandless aux USA sont de vraies marques innovantes, elles ont de vrais repères avec un logo de marque ombrelle, charte graphique, packs, design et merchandising ultra-travaillés et un discours de marque abouti. Le discours du « sans marque » est une vraie tarte à la crème. Comme si un homme se présentait à l’élection présidentielle en disant « Je ne fais pas de politique, je ne suis ni de droite, ni du centre, ni de gauche », on ne le prendrait pas au sérieux… Si ?… Ah bon ! Je reprendrai mon argumentaire de la mode du no logo plus bas dans cet article avec l’exemple de No Name.

⦁ Troisième argument de Grégory : « le web a profondément modifié le rapport aux marques »

Comparateurs de prix, algorithmes de moteurs de recherche, site d’avis, forums, influenceurs du web, réseaux sociaux, data marketing, web analytic… De fait, ces outils sont en train de chambouler l’ordre établi dans la diffusion du message et surtout dans le comportement d’achat des français. Le constat est indéniable. Mais peut-on en déduire un déclin des marques ? Je ne le pense pas. Les marques, leurs services marketing et leurs agences sont tout simplement en train de récupérer ces nouveaux tuyaux de diffusion. Aujourd’hui, BeautéTest, lesfurets.com, YouTube, Tripadvisor, Alatest, Google, Facebook… se comportent en régies publicitaires au même titre que la régie de TF1, de RTL ou de Decaux.

« Les faux avis sur internet sont estimés à plus de 30% »

De nouveaux modèles de structures (peut-on encore les appeler agences ?) avec des promesses issues du web émergent avec de nouvelles offres. Tels que Buzzman, Influence4you, Finderstudios, Webedia, Synomia, We are social, 1M30… Et qui sont les clients de ces nouvelles offres média ? Les marques bien sûr, qui continuent à manipuler (dans le sens de créer une préférence vs la concurrence) avec de nouvelles méthodes et approches. Et les marques sont prêtes à tout. La DGCCRF vient de sortir son baromètre annuel des faux avis estimés à plus de 30%. Et que dire des achats de vues sur Facebook ou YouTube ! Pourquoi ne parle-t-on pas de % de vues lorsque l’on sait que le taux d’abandon des vidéos publicitaires se situe à 30’’ pour une diffusion moyenne d’1 minute 30.

« Google n’a pas tué la marque, bien au contraire »

Une étude universitaire démontre ainsi que les avis de consommateurs sur Internet peuvent être influencés par les précédents avis déposés par les autres consommateurs. En dehors même de toute manipulation publicitaire, cette tendance de « troupeau de moutons » relativise le crédit à accorder aux systèmes de notations des produits ou de services basés sur le seul recueil d’un grand nombre d’opinions. Oui, indubitablement Google a changé la donne mais Google n’a pas tué la marque, bien au contraire. Les marques apprennent !

SEO, SEA, Facebook ads, native ads, programmatique, social network, emojis, sont devenus les plans médias du XXIeme siècle. Les moyens de la relation entre le consommateur et la marque ont évolué. Effectivement, les règles du jeu ont changé. Nous n’abordons pas les millennials avec les mêmes codes de communication que pour la génération Y (lire l’article « Bienvenue aux marques digital native » du blog leluxeestvivant.com), mais les marques ont toujours su s’adapter. Je n’ai aucun doute sur le sujet.

⦁ Quatrième argument de Grégory : on assiste actuellement « à un rejet naissant des marques chez les millenials »

J’ai bien lu l’article de l’Indépendant qui évoque cette étude du rejet des marques chez les jeunes. Mais impossible de trouver l’étude en elle-même. De plus, l’argumentation du journaliste de l’Independant repose sur une vidéo vue 90 000 fois montrant comment enlever un logo sur une casquette, et un tweet liké 200 fois ! Bon, je veux bien qu’entre les jeunes et les marques ce ne soit pas l’amour fou. Nielsen a fait le même constat en France. Mais n’est-ce pas un problème générationnel quelle que soit la génération. Dans les années 70, 90, ou 2000 je suis persuadé de pouvoir retrouver des études et articles similaires sur le rejet des marques des jeunes.

Sur le fond, ce n’est cependant pas ce que je vois ni ne ressens auprès des centaines de millenials que je côtoie tout au long de l’année universitaire. Encore une fois, je ne crois pas à la fin des marques mais à une évolution du storytelling des marques. Parle-t-on de la fin des marques ou d’un phénomène de mode de marques sans logo visible ? La nuance est importante.

Le paradoxe de la stratégie branding de No Name

Prenons l’exemple de la marque de sneakers et sweats No Name. Elle a un logo d’enseigne, une charte graphique, une volonté de développer une communauté autour du concept et du discours décrit par Grégory puisque toutes les sneakers n’ont pas de logo (voir l’histoire de No Name). Pourtant, cette même entreprise développe une gamme avec un logo « No Name » bien apparent. Quelle différence avec Abercombrie, Lacoste ou GAP ? Quelle est la logique ? Pourquoi citer cet exemple ? Tout simplement parce que la nouvelle génération associe les marques à de nouveaux challenges de marques devant répondre à des angoisses sociétales.

Stratégie branding No Name     Stratégie branding No Name     Stratégie branding No Name     Stratégie branding No Name

« Les millennials attendent des marques de la transparence et de l’authenticité »

L’engagement et les nouveaux storytelling des marques deviennent fondamentaux. Sans être militants, les millennials attendent des marques de la transparence et de l’authenticité. Plus que séduire, il faut construire. Tisser une relation qui se maintienne alors dans le temps. Et les exemples sont nombreux. Même si ces marques se refusent à employer un mot devenu tabou « marketing », elles se bâtissent toutes à partir d’une histoire à raconter :

Veja, Biocoop, Tesla, Innocent, Michel et Augustin, Fortuneo, Sojasun, Perus, Caudalie, Kusmi Tea, Malongo, Apple, Les Antillaises, Patagonia, Burger King, Faguo, Le Slip Français, Casper, Zodio, Shinola, C’est qui le Patron, Cultura, Ben & Jerry’s, Day by Day, Deezer, Netflix, Starbuck, Bio C Bon… et je pourrais en citer des dizaines d’autres. Sans oublier les marques issues des réseaux sociaux type Asos, Girls in Paris, Snapchat, Meilleurtaux, Airbnb, BlaBlaCar ou même Tinder.

Marques de niche, marques de tribu, de génération, marques de la sharing economy, marques éco-responsables, marques friendship, marques connectées, marques innovantes, marques tout simplement. Même Google est attaqué par Qwant et Ecosia qui revendiquent un vrai combat de marque.

En conclusion

Non, rien n’a changé, on récupère des tendances et on utilise les médias les plus en affinités. Certes le curseur marque a changé. Nous sommes rentrés dans l’univers enchanté des marques nées avec le digital, qui ont tout compris du nouveau consommateur. Celles qui savent raconter une histoire, jouer avec les communautés et les technologies, pour s’imposer en quelques années face à des marques centenaires. L’exemple cité dans l’article, Brandless, n’est-il pas un contre argument ? Brandless n’est-elle pas une marque déposée, brandée, proposant des produits, avec le logo Brandless et avec pour chaque nom de produit exclusif un dépôt de marque et un concept store développé par une agence de communication (en l’occurrence JWT Intelligence) ?

Logo Brandless
Stratégie Branding Brandless

Et Brandless, No Name ou Muji n’ont rien inventé. En effet, dans les années 70, une enseigne de distribution appuyée par un jeune publicitaire du nom de Jacques Séguéla crée une petite révolution en devenant concepteur de produit. Déjà, on parlait de la fin des marques…

Carrefour produits sans marque années 70

Et vous ? Êtes-vous une marque ? Souhaitez-vous en devenir une ? Cela est-il obligatoire pour gagner en notoriété ? L’article « Devez-vous positionner votre entreprise en marque ? » devrait répondre à vos questions. N’hésitez pas à partager vos idées en commentaire !

Leave a Reply