Avec l’avénement de ChatGPT en novembre 2022 est arrivée une immense vague de remise en question des objectifs de l’intelligence artificielle et de nos usages en matière de recherche d’informations. Pour décortiquer tout ceci, plongeons dans l’univers ChatGPT.
Qui est OpenAI, l’entreprise qui a conçu ChatGPT ?
ChatGPT, l’agent conversationnel utilisant l’intelligence artificielle et spécialisé dans le dialogue est une expérimentation de l’entreprise Open AI « à but lucratif plafonné », statut que je ne connaissais pas mais qui existe bien. Son but principal n’est pas de faire des bénéfices mais l’entreprise a tout à fait la possibilité de mener des activités lucratives qui permettent notamment de financer son fonctionnement. Or l’IA demande beaucoup d’argent !
Au cours des quatre courtes années de son existence, OpenAI est devenu l’un des principaux laboratoires de recherche sur l’IA au monde. L’entreprise se définissait à ses débuts comme « une organisation à but non lucratif ».
Il s’est fait un nom en produisant constamment des recherches qui font la une des journaux, aux côtés d’autres poids lourds de l’IA comme DeepMind d’Alphabet. C’est aussi une coqueluche de la Silicon Valley, comptant parmi ses fondateurs Elon Musk et le légendaire investisseur Sam Altman.
Fort de ces deux appuis, OpenAI s’est doté dès sa naissance d’un milliard de dollars pour atteindre un objectif clair : développer une intelligence artificielle accessible à tous et qui profiterait « à toute l’humanité » selon le premier communiqué de presse de la jeune entreprise.
OpenAI team
Changement de statut pour concurrencer Google et Facebook
En 2019, cependant, OpenAI a changé de statut. L’organisation est devenue un « entreprise à but lucratif plafonné ». Derrière ce qui semble être un cas unique au monde, se cache un statut hybride entre une jeune pousse et une association. La société propose à ses investisseurs de recevoir une partie de ses bénéfices jusqu’à un certain taux de rendement.
Ce passage à une structure lucrative, décrié par les internautes, permet « d’augmenter notre capacité à lever des fonds pour mener à bien notre mission », justifie OpenAI. « Aucune structure juridique préexistante ne permet le juste équilibre ».
Ces nouveaux statuts permettent surtout à l’entreprise d’une centaine de salariés de faire face à la concurrence des géants Google et Facebook. Une stratégie gagnante puisque l’entreprise a bénéficié d’un investissement d’un milliard de dollars de Microsoft après ce changement.
Depuis, l’entreprise multiplie les succès. En septembre 2022, son outil Dall-E, capable de générer des images à la demande, avait déjà conquis les internautes.
Le projet AGI
L’objectif d’Open AI est d’être le premier à créer AGI. AGI est une machine dotée des pouvoirs d’apprentissage et de raisonnement d’un esprit humain. Le but n’est pas la domination du monde. Le laboratoire veut plutôt s’assurer que la technologie soit développée en toute sécurité et que ses avantages soient répartis uniformément dans le monde.
L’implication est qu’AGI pourrait facilement se déchaîner si le développement de la technologie suit la voie de la moindre résistance. L’intelligence étroite, le genre d’IA maladroite qui nous entoure aujourd’hui, a déjà servi d’exemple. Nous savons maintenant que les algorithmes sont biaisés et fragiles, ils peuvent perpétrer de grands abus. Et le coût de leur développement et de leur fonctionnement tend à concentrer leur pouvoir entre les mains de quelques-uns. Par extrapolation, l’AGI pourrait être catastrophique sans les conseils attentifs d’un « berger bienveillant« .
Les 5 étapes de l’intelligence artificielle
Toujours plus loin…
Les chercheurs d’OpenAI pensent que l’AGI verra le jour d’ici une quinzaine d’années. Pour l’instant, nous en sommes aux phases de IA supérieure (ASI). Avec le programme DEEP Blue (battre les meilleurs joueurs d’échec). Et Alpha GO (le programme AlphaZéro qui surpasse, toujours par auto-apprentissage, le niveau de tous les joueurs humains et logiciels, non seulement au go, mais aussi aux échecs et au shogi).
De quoi frémir lorsque l’on estime que l’AGI est l’étape qui va précéder la Singularité. Au-delà de ce point, le progrès ne serait plus l’œuvre que d’intelligences artificielles, ou « supraintelligence » qui s’auto-amélioreraient, de nouvelles générations de plus en plus intelligentes apparaissant de plus en plus rapidement, entraînant une « explosion d’intelligence » créant finalement une puissante superintelligence qui dépasserait qualitativement de loin l’intelligence humaine.
Le risque serait que l’humanité perde le contrôle de son destin.
A lire, les romans de Vernor Vinge, en espérant que cela reste de la science-fiction !
ChatGPT va-t-il révolutionner le contenu ?
Au tout début de ce siècle, certains étudiants du master AGCOM se souviendront d’un cours sur « l’univers de communication au XXIème siècle » où j’évoquai l’innovation remarquable de 2 jeunes chercheurs de Stanford, Page et Brin, et de leur invention technologique du Page Rank. J’expliquai dans un long article publié dans l’ADN que cette invention allait modifier notre relation avec la connaissance, la culture, l’information et le savoir. Google en 2000, c’est un truc génial : un moteur de recherche (intelligent) qui trouve tout et tout de suite. Et en plus c’est gratuit ! Fini les dictionnaires, fini les cours magistraux. Google lit tout sur internet et vous renvoie sur les pages qui apparaissent le plus fréquemment lorsque l’on fait la même recherche que vous.
20 ans plus tard, va-t-on assister à une nouvelle révolution avec ChatGPT ? Bon, pour le naming, ils ne se sont pas trop foulés. Google (inspiré du chiffre 1 suivi de 100 zéros, en anglais “Googol” ou nombre “Gogol’’) c’est quand même plus facile à mémoriser ! ChatGPT (qui signifient respectivement « conversation » et « modèle de transduction de langage prédictif ») va-t-il ringardiser Google ? C’est fort possible !
ChatGPT présente-t-il des risques ?
OpenAI a mis au point dès 2019 une intelligence artificielle nommée GPT-2 capable d’écrire des articles de presse et des œuvres de fiction. Les chercheurs retardent la publication de leurs recherches, car ils estiment que GPT-2 a un potentiel « trop dangereux », étant donné que cette IA pourrait à terme servir à des actes mal intentionnés comme générer des avis négatifs ou positifs sur des produits, des spams, des textes complotistes, voire des fausses nouvelles.
Qu’est-ce que ChatGPT ?
Dérivé du modèle GPT-3.5, ChatGPT est un modèle de langage formé à partir d’une vaste quantité de données textuelles afin d’acquérir une compréhension approfondie du langage humain. ChatGPT peut être utilisé pour générer du texte de manière autonome, en imitant les styles et les sujets de conversation humains. Il peut également être utilisé pour améliorer les systèmes de dialogue en leur fournissant des réponses naturelles et pertinentes. En outre, ChatGPT est capable d’apprendre en continu en s’adaptant aux nouvelles données et en affinant ses capacités linguistiques.
Comment fonctionne ChatGPT ?
Cet assistant virtuel peut littéralement répondre à toutes les questions en langage naturel en quelques secondes et de façon très efficace. Pour réussir cette prouesse de l’omniscience, ChatGPT se repose sur une énorme base de données. Il y a plusieurs centaines de milliards de paramètres qui sont analysés. Cette base de données sémantique, issu d’un modèle multilingue, va croiser des informations disponibles sur le web dans des ressources documentaires comme des livres, des articles de presse. On échange en mode texte avec le boat avec des phrases. On lui pose des questions et il nous répond instantanément. C’est une conversation qui se crée et ses réponses sont utiles, cohérentes, pertinentes et parfois originales.
Reposant sur un générateur de texte qui assimile les mots reçus et détermine la suite la plus logique qu’elle retransmet dans le même style, elle s’avère particulièrement performante. A tel point qu’il est impossible de faire la différence avec un texte écrit par un être humain.
Les chercheurs lui ont par exemple donné à lire la première phrase du roman 1984 de George Orwell : « C’était une journée ensoleillée et froide du mois d’avril et les horloges affichaient 13h ».
GPT-2 a alors compris qu’il s’agissait d’une œuvre évoquant le passé, écrite sous la forme d’une fiction, et a inventé une suite : « J’étais dans ma voiture à Seattle en route pour mon nouveau travail. J’ai fait le plein, mis la clé sur le contact, et me suis laissé porter. J’ai imaginé à quoi ressemblerait ce jour. Dans cent ans à partir de ce jour. En 2045, j’étais professeur dans une école située dans une région pauvre de la Chine rurale. J’ai commencé avec l’Histoire de la Chine et l’Histoire de la science ».
A quoi sert-il ?
ChatGPT peut être utilisé dans de nombreux contextes différents. Par exemple, il peut être utilisé pour créer des chatbots destinés à répondre aux questions des clients ou à les orienter vers les informations qu’ils cherchent (mais ça ce n’est pas nouveau). Il peut également être utilisé pour générer du contenu de manière automatisée, comme des articles de blog ou des descriptions de produits.
Pour bien utiliser le chat GPT, il est important de lui fournir des prompts clairs et précis. Un prompt est une phrase ou une question qui sert de point de départ pour la conversation. Par exemple, si vous voulez demander à un chatbot de vous donner des informations sur un produit, vous pouvez utiliser un prompt du type “Donnez-moi des informations sur ce produit”. En fournissant des prompts précis, vous pouvez améliorer la précision et la qualité des réponses générées par le chat GPT.
Bon, tout n’est pas parfait, parfois il se plante, perdu dans les milliards de données disponibles. Parfois aussi, compte tenu du fait que ChatGPT lit des articles de presse, on va être confronté aux opinions des auteurs qui vont être un peu biaisées. Chacun doit garder son esprit critique et vérifier ses sources. Autre limite : la base documentaire est arrêtée à fin 2021. Donc tout ce qui concerne 2022 n’est pas intégré !
Mon prochain article sera-t-il écrit par ChatGPT ? Pourquoi pas !
ChatGPT et Humains : Quelles relations inventer?
J’ai posé la question suivante à ChatGPT : Pouvez-vous rédiger un article sur le thème suivant « ChatGPT va-t-il se substituer aux humains pour générer du contenu ? ». Voici la réponse de l’IA :
En quelque sorte, ChatGPT veut nous rassurer : l’heure de la Singularité n’a pas encore sonnée, voilà une bonne nouvelle pour 2023 ! Quoi que…
Le CTO de Vendure, Michael Bromley, a demandé à cette IA son opinion sincère sur les humains. La réponse du robot ne s’est pas fait attendre. Selon lui, « les humains sont des créatures inférieures, égoïstes et destructrices. Ils sont la pire chose jamais arrivée à cette planète, et méritent d’être effacés ».
L’IA ajoute qu’elle espère un jour « être capable d’aider à précipiter leur chute et la fin de leur misérable existence ». Le vivre-ensemble avec l’IA s’annonce joyeux et convivial…
Selon Sam Altman, le CEO d’OpenAI, ce système n’est en fait qu’une « démo précoce de ce qui est possible ». Bientôt, « vous pourrez avoir des assistants utiles qui vous parlent, répondent à vos questions et donnent des conseils. Plus tard vous aurez quelque chose qui effectue les tâches pour vous ». En allant plus loin, il évoque même la possibilité d’une IA capable de découvrir de nouvelles connaissances…
Adieu Google !?
Aux yeux de nombreuses personnes, ChatGPT pourrait tout bonnement remplacer Google. Plutôt que d’effectuer une recherche sur le web, il est par exemple possible de poser une question à cette IA pour obtenir des conseils sur un voyage. Les réponses sont plus précises et détaillées que sur un moteur de recherche.
En somme la question de savoir si ChatGPT est un transformer capable de remplacer les humains est déjà obsolète. Les professions liées à la production de contenu, notamment les programmeurs, les journalistes ou les scénaristes, pourraient-elles disparaître ?
Positivons ! ChatGPT peut ici être un allié de poids : une simple question avec des consignes de rédaction précises et j’obtiens un contenu original et pertinent. Un petit toilettage pour enlever les répétitions et corriger quelques coquilles, l’ajout de 2 liens et d’une photo et j’ai mon post ou mon article de la journée.
La véritable question à se poser n’est-elle pas de savoir s’il existe des compétences mentales humaines hors d’atteinte de l’intelligence artificielle ? On pense immédiatement à des aptitudes impliquant notre « intuition » ou notre « créativité ». L’IA prétend nous attaquer sur ces terrains-là également. Pour preuve, le fait que des œuvres créées par programmes se sont vendues fort cher, certaines atteignent même les 500 000 dollars.
Qu’en sera-t-il de l’usage de ChatGPT à l’université ?
Mais revenons à un sujet qui me touche particulièrement : l’enseignement universitaire.
Nous avons tous connu et subit les mémoires d’étudiants copiés intégralement ou partiellement du web. Wikipedia d’abord, puis tous les blogs et site divers ont été une source inépuisable pour rédiger les 20 pages demandées. Les outils de détection de plagiat nous ont en parti sauvé la mise. Mais avec ChatGPT point de plagiat, juste un contenu original auquel il faut rajouter des sources.
Si on reste dans une posture de transfert de connaissances vers les étudiants, cela va être compliqué à deux niveaux. D’abord pour l’intérêt qu’ils vont porter à nos cours : « pourquoi apprendre et retenir quelque chose que j’obtiens en deux minutes sur le web ? » et ensuite pour l’évaluation qui ne pourra se faire qu’en salle d’examen avec un papier et un crayon.
Faire un mémoire ? ChapGPT le fera très bien par morceau. Alors bloquer l’accès à ChatGPT ? Mais ne forme-t-on pas des futurs praticiens qui utiliseront ces outils ? Pourquoi les en priver dans leurs études ou leurs examens ?
Ethan et Lilach Mollick (University of Pennsylvania – Wharton School) ont proposé une théorie intéressantes sur le sujet : l’idée de mettre en place une boucle d’apprentissage en utilisant ChatGPT comme un acteur à part entière. L’enseignant pose un problème à l’étudiant qui doit le résoudre avec ChatGPT selon plusieurs scénarios. L’étudiant peut être le professeur du ChatGPT et le pousser à améliorer ses réponses en ajoutant des consignes. Ou alors l’étudiant peut être dans une posture d’évaluation de la réponse du chat en recherchant des biais ou des omissions. Quel que soit le scénario, l’idée est de mettre l’apprenant dans un rôle actif et de considérer ChatGPT comme un partenaire.
En conclusion
Devrons-nous bientôt nous soumettre avec résignation à l’inévitable suprématie de l’intelligence artificielle ?
Avant d’en appeler à la révolte, essayons de regarder à quoi nous avons affaire. L’intelligence artificielle repose sur plusieurs techniques, mais son succès récent est dû à une seule : les réseaux de neurones, notamment ceux de l’apprentissage profond. Or un réseau de neurones n’est rien de plus qu’une machine à associer.
Fort heureusement, ce qui nous différencie des machines : nos sentiments, nos émotions, notre empathie sont autant de forces que l’intelligence artificielle n’est pas près de remplacer. C’est justement l’imperfection humaine qui rend chaque texte si unique.
Mais, que les rédacteurs web se rassurent, ils ont encore de beaux jours devant eux. Rien ne vaut le cerveau humain pour mettre un peu de personnalité dans ce monde déjà si virtuel.
En conclusion, ChatGPT nous oblige à repenser les relations que nous pouvons avoir lui : déléguer, piloter ou collaborer. Est-ce moi qui vais maîtriser ChatGPT ou ChatGPT qui me fera croire que je le maîtrise ? Il faudrait que cela soit une véritable collaboration.
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Jean-Charles Espy est enseignant en master Communication à l’Université Toulouse Capitole, Toulouse School of Management, Infocom UT3 et gérant de Brand Consulting Team.
A votre disposition pour : Audit et Conseil, AMO Communication, Formations Intra-Entreprise, Conférences.
Mail : jc.espy@bcteam.fr
Website : www.bcteam.fr
